César et Oscar sont dans un bateau. César tombe à l’eau, qu’est-ce qui reste ?

Aujourd’hui nous sommes en février, grande période des cérémonies, remises de prix cinématographiques Américaines et Françaises. Petit comparatif, analyses des éditions 2013.
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CÉSAR

A ma gauche, la cérémonie des César 2013.

Président : Jamel Debbouze.
Maître de cérémonie : Antoine de Caunes, plus ou moins disparu de nos écrans depuis plusieurs années après avoir remué Canal + en compagnie de José Garcia. Il officie aux César pour la neuvième fois.
Quelques intervenants qui ont marqué le show : Manu Payet (Radiostars), Laurent Laffite (De l’autre côté du périph’), François Damiens (La délicatesse) ou Marina Foïs (Polisse).
César d’Honneur : Remis à Kevin Costner par Michel Hazanavicius.
Favoris des principales catégories : Amour de Michael Haneke, De Rouille et d’Os de Jacques Audiard, Jérémie Rénier pour Cloclo, Argo de Ben Affleck.
Gagnant des principales catégories :
Meilleur film, Amour de Michael Haneke
Meilleur acteur dans un premier rôle, Jean-Louis Trintignant pour Amour de Michael Haneke
Meilleure actrice dans un premier rôle, Emmanuelle Riva pour Amour de Michael Haneke
Meilleur réalisateur, Michael Haneke, pour Amour
Meilleur film étranger, Argo de Ben Affleck
Meilleur acteur dans un second rôle, Guillaume de Tonquedec pour Le prénom
Meilleur actrice dans un second rôle, Valérie Benguigui pour Le prénom
Trois temps forts : César d’honneur pour Kevin Costner ; Emmanuelle Riva se livre en recevant son César ; le discours d’intro de Jamel.
Trois temps morts : Valérie Benguigui émue mais coupée dans son speech de remerciements ; le sketch de Manu Payet, laborieux ; les gagnants du César du meilleur son font un long discours engagé sur la délocalisation du cinéma français, et sont même perturbés par De Caunes et Les Kaïras.
Retours critiques et public : Audiences honorables, retours critiques désastreux.

OSCARS

A ma droite, la cérémonie des Oscars 2013.

Président :
Maître de cérémonie : Seth Mac Farlane, créateur de Family Guy et American Dad, réalisateur en 2012 de Ted, film qui remporte un succès public et critique. Il officie aux Oscars pour la première fois.
Quelques intervenants qui ont marqué le show : Daniel Radcliffe (Harry Potter), Joseph Gordon Levitt (Looper) le casting d’Avengers, Ted (en 3D), Adele (chanteuse internationale).
Oscar d’honneur : Remis séparément.
Favoris dans les principales catégories : Argo de Ben Affleck, Daniel Day Lewis et Steven Spielberg pour Lincoln, Jessica Chastain pour Zero Dark Thirty, Amour de Michael Haneke.
Gagnants des principales catégories :
Meilleur film, Argo de Ben Affleck
Meilleur acteur dans un premier rôle, Daniel Day Lewis pour Lincoln
Meilleure actrice dans un premier rôle, Jennifer Lawrence pour Happiness Therapy
Meilleur réalisateur, Ang Lee pour L’Odyssée de Pi
Meilleur film étranger, Amour de Michael Haneke
Meilleur acteur dans un second rôle, Christoph Waltz pour Django Unchained
Meilleure actrice dans un second rôle, Anne Hathaway pour Les Misérables
Trois temps forts : Le speech d’intro de Seth Mac Farlane, la réunion de cast des Avengers, Adele chantant Skyfall en direct.
Trois temps morts : Le cast des Misérables chante en direct, les gagnants de l’Oscar des VFX sont coupés pendant leurs speechs, Michelle Obama remet un Oscar à distance, on l’aurait forcément préférée présente.
Retours critiques et publics : Meilleure audience depuis longtemps, retours critiques bons voire très bons pour Seth MacFarlane, moyennement bons pour la cérémonie dans son ensemble, considérée comme trop longue.

BIEN.
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A présent, quelques un de mes constats. Commençons d’abord par les César.

Les grands favoris dans les principales catégories des César étaient Jacques Audiard, déjà césarisé à de multiples reprises, et Michael Haneke, lui aussi Césarisé et ayant reçu en milieu d’année 2012 la Palme d’Or pour Amour. Un « match » réduit donc à deux films, Amour et De Rouille et d’Os qui à l’arrivée s’est soldé par une victoire complète du premier. Le Prénom a obtenu les deux César des seconds rôles et Argo fut le gagnant logique du César du meilleur film étranger. Le reste du paysage cinématographique français, incluant Camille Redouble (film le plus nominé cette année, reparti bredouille), Holy Motors (bredouille aussi) ou encore Cloclo (favori pour meilleur acteur, presque bredouille) doit se débattre avec les catégories techniques. Et puis, pour ne pas le citer, Radiostars, succès critique et public, n’était tout simplement pas nominé, tout comme Sur la piste du Marsupilami, pas même dans les catégories secondaires.

Côté présentation, si Jamel booste dès le départ la cérémonie d’une énergie communicative et qu’Antoine De Caunes commence doucement mais convenablement, tout finit par patiner rapidement, multipliant les redondances. Gérard Depardieu, Findus et Vincent Maraval sont les stars de la partition humoristique de De Caunes, qui ira jusqu’à faire venir les chœurs de l’armée rouge ainsi qu’un cheval sur scène dans cette optique. Souvent tout en lourdeurs, les sketchs de ses acolytes traînent aussi en longueurs, l’exemple le plus frappant étant celui de Manu Payet, vu et revu, que le talent de l’acteur ne parvient pas à sauver. Les sketchs les plus drôles voient François Damiens ou Laurent Laffite intervenir mais s’étendre bien trop pour être efficaces : les trous d’airs se succèdent, les bidonnades se raréfient. Dans la même mesure, les moments d’émotions deviennent insipides en étant parasités par une propension de l’équipe à vouloir en faire trop avec pas assez.

César tombe à l’eau.

Du côté des Oscars, le palmarès est révélateur : dans les principales catégories, aucun film ne remporte plus d’une statuette, une bonne partie de l’éventail cinématographique des USA est représenté. Thriller politique, biopic, comédie romantique, film de genre… Le cinéma américain serait-il plus diversifié qu’en France ? Pourtant les César avaient leur biopic, leur comédie romantique, leur film de genre. L’académie a choisi de se focaliser sur deux genres : le film d’auteur dramatique (Amour, De Rouille et d’Os) et  la comédie populaire (en l’occurrence, Le Prénom). Avec cette pluie de récompenses pour Amour, c’est l’éclectisme heureusement persistant du cinéma français que l’Académie des César parait renier. L’audace de Leos Carax pour Holy Motors ou la prestation impeccable et encensée de Jérémie Rénier dans Cloclo n’obtiennent aucune statuette, et la seule comédie digne d’intérêt en 2012 selon les votants se révèle avoir été Le Prénom. On pourra, tant qu’on voudra, relancer le débat sur la qualité du 7ème Art national, l’Académie des César ne montre pas en parallèle de reconnaissance pour la variété de celui-ci. A l’arrivée, Oscars comme César furent sans grande surprise (peut-être la victoire de Lawrence sur Chastain au Dolby Theater ?)… la différence se trouve dans le palmarès en tant que globalité.

Pour les César, c’est d’autant plus incompréhensible que, même si là aussi la polémique avait été soulevée, l’année précédente Intouchables et The Artist avaient récolté des honneurs conjoints, quitte à laisser le troisième favori Polisse (d’un genre encore différent), quelque peu sur le bord de la route. De 2011 à 2012, le cinéma français s’est-il autant enlaidi qu’il était écrit qu’un seul et unique film devait tout rafler ?
85th Annual Academy Awards - Show

Enfin, toujours côté Oscars, Seth Mac Farlane allume tout Hollywood avec la désinvolture qu’on lui connait, et convoque les emblèmes du cinéma US contemporain. Harry Potter danse avec Joseph Gordon Levitt, les Avengers sont presque au complet sur scène, Adèle chante le générique du dernier James Bond, et la Première Dame remet un Oscar. Même si la soirée fut molle, les vannes potaches de De Caunes et sa bande ne peuvent évidemment rivaliser. Pas seulement parce que le patrimoine d’ultra-entertainment du cinéma Américain est largement supérieur à la production française, mais aussi et surtout parce que les César manquent cruellement d’audace.

Antoine De Caunes est maître de cérémonie pour la neuvième fois. Tous les ans, il est incrusté dans les films de l’année dans des montages qui, s’ils sont drôles et surprennent les premières fois qu’on les voit, finissent par lasser au fil des années. Avant même que cette édition ne commence, on pouvait tous prédire que Maraval serait cité, que Findus y passerait aussi et qu’un clin d’œil à Gérard Depardieu serait fait. Mais ce fut l’avalanche, la surabondance de lourdeurs (« les vieux qui vont crever », un exemple de raffinement) qui brilla et les rares sourires furent sincèrement esquissés quand des bouffées d’air frais en les personnes de Jamel Debbouze, Laurent Laffite ou François Damiens vinrent bousculer le figé en faisant preuve de vraie dérision.

Comment peut-on encore croire que les mêmes astuces, les mêmes gags usés, vont faire mouche encore une année alors que la presse n’a de cesse de parler du « déclin du cinéma populaire français » ? Il « suffisait » d’oser.
verdict

Déçus ou pas par le palmarès des Oscars, on ne peut que constater de notre côté que la cérémonie a cruellement manqué d’ouverture. Une carence étouffante alors que la cérémonie 2012 avait, intelligemment, récompensé le cinéma de l’audace. The Artist, Intouchables, Polisse, des projets à risques mais réussis et célébrés par le public comme par l’académie. Ce qui a manqué à la remise des César en 2013, c’est un sens du risque, préférant se reposer sur ses très instables acquis en récompensant un unique favori, aspirateur à récompenses, mais aussi en ne proposant concrètement rien de surprenant : la présentation avait beau rassembler un casting important, elle était longue et pesante, sans réel sens de l’auto-dérision ni du divertissement. Personnellement, j’ai eu peine à voir autant de talentueux acteurs se démener pour ne brasser que de l’air, et sans un réel vent de nouveauté, ce sera peut-être pire l’année prochaine.
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superconclusion

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